Dany Laferrière, écrivain canado- haïtien |
" J’AI TOUJOURS DIS QUE J’APPARTENAIS AU TERRITOIRE DE L’IMAGINAIRE "
A quel moment le livre appartient- il à son auteur ?
Le livre appartient à la fois à l'auteur et au lecteur. Un livre existe quand on le voit dans les mains d’un lecteur anonyme. Quelle sensation extraordinairere de voir une personne qu’on ne connait pas en train de lire notre livre. Il ajoute à notre imaginaire le sien et cela rend le livre plus riche.
Comment un écrivain peut-il évoquer son identité à ses lecteurs à travers l’écriture ?
L’identité d’un écrivain est quelque chose d’étrange liée à un espace qu’il ne connait pas. L’écrivain est une personne qui va dans une direction qui ne connait pas. Nous lisons pour ne pas rester où nous sommes. Il faut traverser la fenêtre. Et pour aller dans un espace où il n’y a pas d’agent d’émigration et de police. L’espace de l’écriture et de la lecture sont des endroits que les polices du monde ne connaissent pas.Un endroit intime où les imaginaires se croisent. Il important que les individus puissent sauver cet espace. C’est pour cela que je ne donne pas l’adresse exacte du lieu de rencontre d’un écrivain avec son lecteur dans le monde de l’imaginaire. Pour qu’il reste comme un endroit secret et mystérieux qui s’appelle la lecture.
Vous avez quitté votre pays natal à l’âge de 23 ans. Ce départ définitif s’assimile t-il à un voyage ou encore à un exil ?
Je n’ai jamais été en exil parce que j’ai dû réfléchir. J’avais du temps en arrivant à Montréal, seul dans ma petite chambre pour réfléchir à ma vie. J’ai vu que beaucoup de mots, de choses qu’on dit à mon propos ne sont pas venus de moi. A titre d’exemple, le mot exil. On dit que vous êtes en exil. Le dictateur vous pousse à l’exil mais moi je n’ai pas encore dis mon mot encore. Je dis que je suis en voyage puisque je suis curieux. Le voyageur est par essence un être curieux. L’exilé, c’est quelqu’un de prostré, qui se condamne à vivre dans un espace où il n’est plus.A 23 ans, je voulais rencontrer des gens, aller au musée, flâner le soir, dsicuter avec des inconnus et lire des livres. J’étais dans la vie. Il ne faut pas se laisser nommer par les autres mais essayer de comprendre exactement là où on est dans sa vie.
Concrètement à quel territoire appartenez-vous sachant que vous êtres natif de Haïti, que vous habitez à Montréal et que vous êtes membre de l'Académie française ?
J’ai toujours dis que j’appartenais au territoire de l’imaginaire. Souvent, je passe beaucoup de temps à écrire et à lire qu’à faire autre chose. Je suis un enfant de la bibliothèque. Avant d'essayer de savoir d'où je viens, eh bien, il faut d’abord aller visiter ma bibliothèque pour savoir ce que je lis, ce qui m'influence. Par exemple, comment peut-dire que je suis de tel lieu quand les écrivains que j’aime viennent de lieu si différent. En tant qu’individu, je suis né à Port Au Prince à Haiti et j’habite à Montréal depuis 40 ans. Des informations précises que Wikipedia peut nous donner facilement mais l’imaginaire d’un écrivain est plus subtile que cela.
De quoi dépend le succès d'un livre ?
Le succès d’un livre est tout à fait aléatoire. Cela dépend de l’époque. Maintenant un livre peut avoir un succès ou pas ou encore avoir un succès plus tard. Un livre peut avoir un succès mitigé voire mauvais en français, et fait ravage une fois traduit en italien. Le succès d’un livre ne dépend pas de l’auteur. Le livre dépend que du lecteur. Le lecteur est beaucoup plus heureux quand l’écrivain a du succès que parfois l’écrivain lui même.
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