Habib Sayah, romancier algérien |
LIBERER LA LANGUE DU SURDOSAGE IDEOLOGIQUE
Vous êtes l’un des rares écrivains algériens à écrire un roman dont les faits se déroulent au sud…
J’ai vécu pendant dix ans à Adrar, une ville ensorcelante qui m’a beaucoup marquée. Pendant mon séjour, j’ai essayé de trouver des réponses aux problématiques et aux questions existentielles, religieuses, ethniques, soufies et anthropologiques des lieux. Je ne suis pas sociologue ou historien pour trouver des réponses, il fallait rassembler toutes ses questions et avoir recours à mon imagination et ma narration. Ecrire un roman sur Adrar est un acte de fidélité à la région qui m’a accueilli pendant la période trouble des années 1990. Je l’ai écris avec beaucoup d’amour et de passion. Les auteurs algériens n’ont pas une grande relation avec le sud, certains partent en tant que touristes, tandis que moi, j’ai côtoyé sa population et j’ai connu la profondeur des us et coutumes de la région de Touat.
Le choix d'une langue d'écriture est-il problématique pour un auteur algérien ?
C’est une richesse pour la littérature algérienne. La réalité de l’Algérie impose, que l’on veuille ou non, d’écrire en trois langues, à savoir en arabe, en amazigh et en français. Il y a un grand lectorat dans les trois langues, alors pourquoi s'en priver. Les débats sur le recours à ces trois langues prennent parfois des proportions idéologiques. C’est très dangereux. Il faut libérer ces langues des surdosages idéologiques et faire d’elles des langues de communication, d’écriture, de recherches et de savoir.
Vous avez abordé l’écriture qui émane de l’âme et de certaines pratiques d’auteurs qui visent des prix en oubliant l’engagement de l’écriture…
L’auteur doit avoir confiance en lui, il ne faut pas qu’il écrive pour glaner des prix. Un vrai écrivain est rappelé par sa conscience à écrire pour l’amour de la littérature. L’écriture est un sermon, un acte de fidélité et un engagement. Nous devons être à la hauteur de ce sacrifice.
Propos recueillis par H.B. |
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